Des portes claquent, des éclats de voix fusent, des bouteilles volent, une famille éclate.

Tout avait pourtant si bien commencé…

Nous sommes le 18 juillet, il est sept heures du matin. Le soleil est au rendez-vous et le car nous dépose dans une petite ville au nom bien sympathique : Rainbow Beach. Aujourd’hui et pour les trois semaines suivantes nous logeons chez les M., une famille australienne originaire de Melbourne. Nous expérimentons cette fois le HelpX. Contre quelques heures de travaux domestiques, nous partageons la vie des M. Et c’est véritablement en tant que membres de la famille que nous sommes reçues.
Le premier contact est chaleureux et malgré un accent australien très prononcé et difficile à comprendre on se sent tout de suite bien et à sa place. Une fois à la maison, nous faisons connaissance du fils de douze ans et des divers animaux : 3 chiens, 2 chats, 3 oiseaux et des poissons dont un Oscar assez agressif.

Le programme est simple : la mère devant partir à Melbourne pour trois semaines, nous sommes chargées de la « remplacer ». Nous devrons donc nous occuper des animaux (crottes et nourriture) et de la maison (repas, ménage), rien de bien compliqué. Une seule petite chose coince légèrement, les M. sont nudistes et ont un jacuzzi qu’ils entendent bien partager en tenue d’Adam.

Dès le premier soir après un repas bien arrosé, nous sommes invitées -ou sommées selon le point de vue- à entrer dans le spa. Peu enthousiastes nous suivons le mouvement et passons finalement un agréable moment à parler de tout et de rien – très bien pour améliorer mon anglais. Seulement voila, au moment d’admirer les étoiles, je remets mes lunettes sur le nez et sens quelque chose sur ma joue : un CAFARD ! Mon corps se glace, et d’un geste brusque et irréfléchi je jette la chose dans l’eau du jacuzzi. Me prenant pour une cinglée parano les M. me regardent de travers jusqu’au moment où la chose est récupérée et sortie de l’eau. Malgré mon envie de prendre mes jambes à mon cou, la soirée se poursuit un long moment. Il fait un froid glacial.
Cette soirée et les dix prochaines trempettes m’auront appris deux choses : je n’aime pas les jacuzzis, mariner dans l’eau à ne rien faire, et les cafards sont partout de ce côté du globe!
Mais changeons de sujet.

Les M. ont aussi un bateau et aiment l’utiliser les week-ends pour notre plus grand bonheur. Ainsi nous avons pu fouler Fraser Island, gigantesque île de sable classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, voir des dauphins, et pêcher (ou du moins essayer). Nous regrettons toutefois de ne pas avoir pu visiter plus Fraser Island et ses somptueux lacs d’eau douce!!

Mais n’oublions pas la plage de Rainbow Beach qui est tout simplement magnifique, et ce peu importe le temps.

Nous arpentons aussi le bush à la recherche de chevaux sauvages que nous ne verrons malheureusement pas.

C’est également l’occasion d’en apprendre plus sur nos hôtes, qui à part se baigner nus dans leur jacuzzi ont bien d’autres centres d’intérêt. Ils nous apprennent notamment qu’ayant toujours tout fait ensemble depuis leur rencontre, ils appréhendent cette séparation de trois semaines qui sera la première. Il s’agit aussi d’une période difficile pour eux : la mère est en arrêt travail et le père risque de perdre son travail d’ici peu. Pour couronner le tout leur fille sur le point d’accoucher rencontre des soucis assez importants, son fils à naître ayant des problèmes cardiaques. Malgré tout cela, les M. sont d’une gentillesse et d’une générosité frappante en dépit de la gouaille bien prononcée de la mère parfois difficile à cerner.
Une fois madame M. partie, nous nous attelons à nos devoirs : se lever à sept heures et s’assurer que le fils aille à l’école (ce qu’il ne fit pas pendant plusieurs jours), faire du pain tous les matins, ramasser les crottes des trois chiens dans le jardin, ranger la cuisine. Puis temps libre jusqu’au retour du fils à deux heures puis du père à trois heures, pour lequel nous ne devons pas tarder à nous mettre aux fourneaux. Dîner à cinq heures chez les M.
Mais avant, à quatre heures précises, il faut nourrir les bestiaux et la tâche est assez drôle – un vrai petit rituel. D’abord le labrador qu’il faut enfermer dehors pour ne pas qu’il se jette sur la nourriture des autres, puis les deux petits chiens et enfin les deux chats tout en veillant à ce que chacun mange sa gamelle. S’ensuit une soirée thématique : jacuzzi ou musique avec leçon de guitare bien sympathiques, ou photographie. Car oui monsieur M. fait de la musique et a fait de la photographie pendant longtemps. Au bout de deux semaines et-demi, nous apprenons que le petit-fils au coeur fragile est hors de danger, la mère revient dans quelques jours, le père se détend.

Bien que l’envie de reprendre la route nous titille, tout se passe très bien jusqu’au retour de madame M.
Que s’est-il passé sur le chemin entre l’aéroport et la maison, nous le saurons jamais mais s’ensuit deux jours sous une tension palpable. La mère et le fils se liguent contre le père qui maladroit ne sait comment gérer la situation. Nous partons dans deux jours et l’atmosphère n’est plus du tout la même. Nous cuisinons pour des gens qui ne viendront même pas se mettre à table, n’osons trop parler. Personne ne nous explique quoi que ce soit, et une jeune voyageuse fraîchement arrivée prend peur. Ce soir nous cuisinons des crêpes et commençons à nous installer autour d’un feu de camp improvisé dans le jardin mais…Ce soir des portes claquent, des éclats de voix fusent, des bouteilles volent, une famille éclate. La mère et le fils ne rentreront pas cette nuit.

Nous partons le lendemain matin et pour notre dernière soirée, les tensions s’apaisent légèrement, les M. prennent sur eux. Et au moment de partir les au revoir sont émouvants.