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Java ou la prédominance de l’Islam – un possible modèle musulman?

De Java, île la plus peuplée d’Indonésie, nous n’avons vu que quelques bribes ; nous rendant de Yogyakarta (à prononcer Djojiakarta) à Ketapang en passant pas les sites culturels Borobudur et Prambanan, et les volcans Bromo et Ijen. Mais aussi brève que fut cette escapade, ce fut une expérience formidable.

Avant de parler des différentes excursions que nous avons réalisé, j’aimerais ici évoquer l’importance de l’Islam à Java. Car ce qui frappe aux premiers abords à Yogyakarta et surement dans les autres villes de l’île, c’est le nombre exponentiel de mosquées. La vie là-bas est rythmée par les appels à la prière des muezzins. Réveillé aux aurores par les chants des différentes mosquées alentours s’entrelaçant, on se croirait propulsé au milieu du Moyen-Orient. Les femmes dans les rues sont d’ailleurs pour la plupart voilées, nous incitant à laisser nos shorts et débardeurs trop découverts dans la valise et à opter pour une tenue plus appropriée, malgré une chaleur bien présente.

Si à Java Jakarta est le centre économique et politique, Yogyakarta est le centre culturel de l’île, témoin du règne de royaumes bouddhiques et hindous puissants, à l’architecture somptueuse comme en témoigne Borobudur et Prambanan, monuments construits entre le VIIIème et le Xème siècle.

Après le déclin du pouvoir en place les monuments furent abandonnés et la ville ne retrouva sa puissance qu’à la fin du XVIème siècle avec l’avènement de Mataram, royaume islamique.
L’Islam aurait gagné peu à peu l’Indonésie par le biais de marchands arabes et de voyageurs venant d’Inde et de Chine, répandant leur croyance depuis Aceh (au nord de l’île de Sumatra) dès le XIIIème siècle. Mais si les seigneurs de Java se convertirent à l’Islam, ceux de Bali jamais. Il semblerait qu’au XVème siècle le puissant roi de Java Majapahit traumatisé par la prédiction de la perte de son trône, se fit brûlé vif. Sa cour, composée de l’élite du pays, se rendit alors à Bali et y érigea une forteresse hindoue, apportant un important patrimoine culturel avec elle dont le théâtre d’ombres, les danses, les gamelans (ensemble instrumental traditionnel).

Aujourd’hui, avec ses 240 millions d’habitants, dont 88% sont d’obédience musulmane, l’Indonésie est donc le premier pays musulman du monde, même si l’Islam pratiqué diffère en quelques points de celui du Moyen-Orient ou de celui d’Afrique. Sans rentrer dans les détails, il existe deux groupes islamiques dans le pays, bien que les divergences entre les deux semblent s’être amenuisées. Les Santri sont les plus proches de la doctrine musulmane, cette dernière régissant leur vie, et les Abangan, pratiquent un mélange d’islam, d’hindouisme et d’animisme. Les choses se sont un peu compliquées lorsque les dirigeants politiques ont commencé à prendre ouvertement parti pour un ou l’autre groupe. Mais les extrémistes musulmans, à l’origine des attentats de 2002 à Kuta qui avaient fait 202 morts, et de 2005 à Jimbaran ont fortement été combattus par le gouvernement, même si certains groupes radicaux bien plus fragmentés qu’avant existent toujours.


Autre fait marquant, les habitants sont obligés d’inscrire une religion sur leur carte d’identité, leur choix pouvant être discriminatoire. Par exemple, nombreux sont ceux qui choisissent d’inscrire la religion musulmane afin de ne pas être écartés des emplois de la fonction publique ou de services comme la santé ou l’éducation. Sous la dictature de Suharto beaucoup se disaient musulman par crainte des représailles. Aujourd’hui plusieurs hauts membres du gouvernement agissent pour supprimer cette inscription, ce qui devrait redéfinir complètement le paysage religieux du pays. Mais cela est loin d’être du goût des mouvements islamistes qui craignent la parution publique du véritable pourcentage de musulmans en Indonésie, et arguent que cette inscription de la religion non loin d’être discriminatoire est bénéfique pour la tolérance…
Cette volonté de supprimer la mention de l’appartenance religieuse va de pair avec le regain d’intérêt de la population pour la « Pancasila », idéologie nationale visant à la neutralité religieuse de l’état indonésien. Mise en place en 1945, cette idéologie ne privilégie plus l’Islam mais reconnaît « la croyance en un Dieu unique » comme un des cinq fondements de l’Etat. Ces différentes résurgences s’accompagnent de l’affaiblissement de l’Islam politique et du combat de l’Islam radical. G.Njoto-Feillard, chercheur en sciences politiques au CNRS, constate d’ailleurs

une volonté plus claire, non plus uniquement dans les milieux intellectuels mais aussi dans les milieux plus populaires, de défendre un Islam se voulant spécifiquement indonésien et bien distinct de l’exclusivisme religieux lié au modèle wahhabite saoudien. Certains évoquent même la nécessité, pour contrer l’extrémisme de l’Islam radical, de mettre en œuvre un « extrémisme Pancasila », c’est-à-dire de réaffirmer avec bien plus de fermeté le principe de neutralité religieuse de l’État, qui a longtemps favorisé la cohésion confessionnelle et ethnique de l’archipel.

Ainsi l’Indonésie par sa liberté d’expression, son économie croissante, ses organisations étudiantes fortes, son institution de lutte contre la corruption, et ses organisations musulmanes s’impliquant dans le domaine social, pourrait être selon le chercheur un modèle musulman à suivre.
Même si tout n’est pas parfait et si l’Indonésie et sa démocratie ont encore du chemin à parcourir, l’évolution du pays semble en bonne voie. Les élections présidentielles qui viennent de se clore ont donné raison au Parti démocratique de la lutte indonésien et à Joko Widodo, surnommé Jokowi. Gouverneur de Jakarta, cet « homme du peuple » apporte un espoir de changement auprès des électeurs.

Mais sa victoire est malheureusement remise en cause par son opposant, l’ex-général des forces spéciales impliqué dans de nombreuses atteintes aux droits de l’homme, Prabowo Subianto. Ce dernier conteste les résultats du scrutin, avançant que certains comptages auraient été truqués. Il faut donc attendre le 22 juillet pour savoir si l’Indonésie amorcera un changement véritable ou non…

Outre la profusion de mosquée contrastant avec les multiples temples de Bali, autre chose frappe : le flagrant intérêt des javanais pour les touristes à la peau claire. Je n’ai personnellement pas -ou peu- subi cet intérêt, la couleur de ma peau déjà bien bronzée au moment des faits étant, selon les dires d’un marchand javanais, similaire à celle des indonésiens. Mais ce n’était pas le cas de ma comparse de voyage et des personnes avec lesquelles nous voyagions à Java. Ces dernières furent assaillies par des groupes entiers de personnes voulant se prendre en photo avec elles. Dans de telles conditions, difficile de visiter les temples tranquillement. Comme une célébrité au milieu de ses fans, le touriste à la peau laiteuse pose pour des inconnus et attend patiemment que chaque membre du groupe ait posé à ses côtés. Observer la scène est assez comique, et une fois passés les outrages du « avoir la peau foncée est synonyme de pauvreté voire de laideur », on est bien content de ne pas être la cible de choix des « paparazzis »…

Bon, malgré ma couleur de peau « locale », j’ai tout de même eu le droit à mes heures de gloire, posant pour une classe entière au sommet du temple Borobudur et parlant gastronomie ou culture étrangère avec des étudiantes en anglais. Et surtout, en sortant un peu des zones touristiques de Yogyakarta à la recherche désespérée d’un timbre postal, je n’ai pu éviter les yeux ronds et interrogateurs des enfants, ni même d’être photographier à la sauvette. Il faut dire ce jour là que les élections présidentielles en cours et le rassemblement de nombreuses écoles de peinture, mettaient la ville en effervescence.
Alors, une fois nos excursions à venir réservées auprès d’une agence de la rue Sosrowijayan et notre retour à Bali programmé, c’est avec grand amusement que nous nous immergions au milieu de cette foule.

2 commentaires

  1. Avatar de dominique
    dominique dit

    salut, merci pour toutes ses infos, c’est super intéressant, Papi aurait dit « c’est bien elle ne voyage pas comme une valise »
    qu »elle est la suite de ton voyage puisque tu es revenue en Australie ?
    les filles dorment encore hier soir nous avons vu un super feu d’artifice suivit par le bal tellement ringard qu’elles ont voulu rentrer
    à bientôt bisous

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